Organisation d’un chantier post COVID

Un chantier post COVID à Amiens

Confinement, déconfinement, reprise d’activité… Comment relancer les chantiers en toute sécurité sanitaire ? Exemple à Amiens où la maîtrise d’œuvre, épaulée par son maître d’ouvrage et les entreprises, a su mettre en place une organisation respectant point par point le cadre défini par le guide de l’OPPBTP.

Ouvert depuis un an, le chantier de réaménagement du site de l’ancienne UIFM d’Amiens, qui accueillera à terme les services du Conseil départemental de la Somme, a été stoppé avec la crise sanitaire. Un projet de réhabilitation de grande ampleur – 6500 m2 au sol, dont 20000 m2 de peinture – qui devait être livré en octobre-novembre 2020.
Depuis le 11 mai, le chantier a redémarré en mode dégradé, en respectant l’ensemble des consignes du « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction-Covid-19 » de l’OPPBTP.

Conforme au protocole le jour J

« Au début du confinement, nous avons tous entendu la même chose : “Restez chez vous mais allez quand même travailler”», se souvient Emmanuel Candre, ingénieur chez Arcana Architecture, maître d’œuvre du projet. « Parallèlement, nous avons appris que l’OPPBTP travaillait sur un protocole de reprise. »
À partir de ce moment-là, le maître d’œuvre a échangé avec les entreprises, leurs représentants et le maître d’ouvrage pour évaluer la situation : « Ces échanges nous ont fourni des informations utiles. Le fait que ces institutions travaillent sur un protocole nous a rassurés et nous a incités à réfléchir à la reprise de nos opérations », explique Emmanuel Candre.
Eric Gilot, président de l’entreprise Caty Peinture, installée sur la région d’Amiens, précise : « La bonne volonté du maître d’œuvre et du maître d’ouvrage nous a permis d’anticiper une méthodologie durant le confinement. Le jour J, tout était conforme aux recommandations du guide de l’OPPBTP ». Et Emmanuel Candre de souligner que « le 11 mai, nous avons accueilli les compagnons et leur avons montrer qu’ils arrivaient sur un chantier où les installations avaient été modifiées pour être conformes au protocole. Ce qui les a rassurés et a permis d’éviter un climat anxiogène ».

Première étape de la méthode : l’évaluation du site et des installations existantes – point d’eau, sanitaires, réfectoire, etc. – et leur capacité à être adaptés. « Tout a été listé pour isoler les éléments qu’il convenait de modifier pour être en adéquation au protocole », explique le maître d’œuvre. Deuxième étape, l’étude des flux pour organiser un flux entrant et un sortant qui empêchent tout croisement. « Nous avons ensuite adressé un ordre de service de préparation du site à l’entreprise SMCB, gestionnaire des installations, de façon à recevoir les compagnons des corps d’état secondaires sur un site préparé », précise Emmanuel Candre. Soit deux semaines de préparatifs avant le 11 mai.

Un planning sans co-activité interentreprises

Parallèlement, le maître d’œuvre a contacté toutes les entreprises intervenantes pour s’assurer qu’elles étaient en capacité humaine et matérielle de reprendre leur activité, et ce sur la base du volontariat – « Nous n’avons rien imposé ». Cela a permis, entreprise par entreprise, d’établir une gestion prévisionnelle des effectifs très dégradée et d’élaborer ainsi un planning sans co-activité interentreprises. « Un élément déterminant, car nous ne pouvions envisager une reprise, même avec des installations conformes, sans planning d’activité. Les deux sont indissociables », insiste Emmanuel Candre. Résultat ? Aujourd’hui (début juin), toutes entreprises confondues, une trentaine de personne œuvrent sur le site alors qu’il y devrait y en avoir le double. « Pendant quelques mois, nous allons être obligés de travailler en mode dégradé avec des effectifs réduits », se résigne le maître d’œuvre. Sachant que chaque semaine, ce dernier rencontre les entreprises – « réunion distanciée bien entendu » – pour affiner le planning : « Il ne s’agit plus d’un planning général de chantier, mais d’un planning mensuel, adapté hebdomadairement afin de vérifier que le phasage des travaux sans co-activité est possible ou réclame une adaptation ».
À ce jour, le chantier fonctionne tel que le maître d’œuvre et les entreprises l’avaient imaginé sur le papier. Les améliorations apportées par le coordinateur SPS concernent le diagnostic santé, imposé dans le guide sous la forme d’un questionnaire individuel. « D’où un début de polémique quant à la confidentialité des données personnelles ». Polémique réglée en adaptant la présentation du questionnaire : « Nous avons mis en place une auto-évaluation santé » : en entrant sur le site, le salarié procède lui-même à son auto-évaluation et déclare son état de santé, idem en fin de journée. « Ce dispositif est validé par l’inspection du travail puisque c’est le CSPS qui nous l’a proposé. Les chefs d’entreprises ont ainsi été rassurés quant à leur possibilité à poser des questions intimes à leurs salariés sans être intrusifs ».

Les aménagements réalisés pour répondre à la situation sanitaire.

De nouvelles habitudes

Reste le coût et les délais : « Le maître d’ouvrage a admis une prolongation de six mois, résume Emmanuel Candre. Une prévision qui n’est pas déraisonnable. Quant à l’incidence financière, nous l’avons estimée à 12000 euros mensuels pour la modification des installations et les protocoles de nettoyage ». Côté Caty Peinture : « Masques, gel, combinaisons, j’estime le coût à 4000-5000 euros par mois pour une entreprise de 60 personnes, plus la perte de rythme induite par la manière de travailler. Côté positif : « Tout ceci amène les compagnons à être très disciplinés dans leurs déplacements, dans leur vie sur le chantier… Si ces habitudes, notamment de propreté et de respect des locaux, pouvaient perdurer, on aurait gagné au moins quelque chose », rêve tout haut Eric Gilot.

Source : Reflets & Nuance, n°184, juillet 2020, p 36-38.

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