Elle a gravi la troisième marche du podium aux Olympiades mondiales des métiers qui se sont tenues à Kazan en Russie du 22 au 27 août derniers. Rencontre avec Mathilde Mortier, la nouvelle ambassadrice de l’excellence dans la catégorie « Peinture et décoration ».
Autour de son cou, elle porte désormais sa médaille de bronze, et le triomphe. Mais mâtiné d’une sacrée dose d’humilité. Aguerrie depuis quelques mois à l’exercice de l’interview – concours de l’excellence oblige – Mathilde Mortier souffle : « je visais au moins le podium ».
La vingtaine à peine entamée, son objectif a été atteint, « j’ai réussi et j’en suis très heureuse ». Comme les 41 jeunes Français inscrits dans 38 métiers qui se sont envolés cet été pour la Russie, elle a suivi un véritable training de sportif de haut niveau, « physique, psychique et mental » avec son coach pour gravir ce podium. « Ce sont les émotions les plus fortes que j’aie ressenties. Nous avons été poussés à bout, et dans nos derniers retranchements pour tester notre endurance ». Mais de ce passage obligé pour atteindre les WorldSkills, elle en retient l’essentiel : « Nous avons appris l’entraide et à créer une réelle cohésion de groupe avec tous les médaillés qui sont partis à Kazan ». La solidarité, point final d’un long parcours clôturé en apothéose. Point d’orgue glorieux d’une ténacité chevillée au corps.
Une vocation sans faille
Pourtant, elle a rencontré son aspiration au métier de peintre en décoration pas forcément dans les meilleures conditions. « Mes parents ont divorcé il y a plusieurs années. Lorsque ma mère a trouvé un nouveau logement, j’ai découvert que je voulais être peintre en l’aidant dans ses travaux », confie la jeune femme, en ajoutant dans un sourire, « c’est un peu anecdotique ». Son humilité, toujours. Elle enchaîne alors son CAP, et son BP à BTP CFA Hesdigneul-lès-Boulogne (62) puis prolonge sa formation en mention complémentaire en peinture et décoration à Bâtiment CFA Dieppe (76).
Mais entretemps elle fait une rencontre. « Une amie qui avait passé le concours en tant que fleuriste me parle des Olympiades des Métiers. Du coup, je suis allée voir mes professeurs qui m’ont assurée que j’avais le niveau pour me lancer dans une telle compétition », se souvient Mathilde Mortier. L’aventure démarre. En 2016, elle s’inscrit à la compétition régionale des Olympiades des Métiers à Arras (62). « Mais je n’étais pas assez préparée », concède-t-elle. Elle finit cinquième. Qu’à cela ne tienne. Derrière sa discrétion avérée, Mathilde Mortier masque une persévérance à toutes épreuves…
La preuve : en 2018, le sourire radieux elle brandit sa médaille d’or, décrochée aux finales nationales des 45e Olympiades qui se sont tenues à Caen en décembre 2018.
Du Brésil en passant par Kazan jusqu’aux Haut-de-France
Cet été, avant de s’envoler pour la Russie, la candidate a affiné ses pinceaux à Brasilia en s’entraînant avec son concurrent brésilien. La jeune peintre peaufine toutes les compétences nécessaires pour faire valoir ensuite son talent sur le rives de la Volga : pose de papier peint, peinture au pistolet, peinture d’une porte en trois couleurs. Mais aussi et surtout concentration et gestion du stress. Car à Kazan, pour la compétition en peinture et décoration, « nous avons eu peu d’informations sur l’épreuve. S’ils nous ont donné la référence de la peinture et du papier peint, nous n’avons connu le sujet imposé de la figure géométrique qu’une fois arrivé sur place », confie Mathilde Mortier. Un handicap ? « Non, car au final nous étions tous dans le même cas. Nous avons donc tous connu cette difficulté. » Mais pas avec le même résultat puisque la jeune femme est revenue chez elle à Wittes (62), médaillée… Et bientôt chef d’entreprise : « j’ouvre ma structure en peinture et décoration, courant octobre, révèle-t-elle. Ma distinction à Kazan est un atout car elle montre un savoir-faire ».
Elle ne parle jamais de talent… Et pourtant.
Source : Reflets & Nuance, n°181, Novembre 2019, p 60-61.