À Landerneau, les algues font le mur

À quelques kilomètres de la rade de Brest, l’institut Cap Horn accueille
désormais des personnes âgées dépendantes. Pour couvrir les murs de
leurs chambres, l’entreprise de peinture a proposé une solution sans odeur,
ni solvant, et à base d’algues qui valorise les déchets de la cosmétique.

Depuis le mois de mai, un imposant bâtiment de 11 000 m2 (R+3) a ouvert ses portes juste à l’entrée de Landerneau (29), sur la zone de Kergodinec, dernière-née des zones d’activités de cette communauté de communes.

Il aura fallu deux ans pour voir émerger sa majestueuse architecture en étoile. Rythmée par un bardage bois, elle a été dessinée par le cabinet nantais AIA. Derrière la ligne, cette conception a été prévue pour éviter de mélanger patients et pathologies. Car ce nouveau bâtiment abrite l’institut Cap Horn de réadaptation gériatrique, destiné à accueillir 1 500 personnes par an avec pas moins de 157 lits d’hospitalisation et 35 places d’hôpital de jour.

À la tête de cette méga structure dédiée aux soins de suite et de réadaptation, LNA Santé, un acteur majeur du paysage médico-social et sanitaire français. Ce dernier fortement engagé dans une démarche RSE, intègre volontairement des préoccupations sociales, environnementales et éthiques dans son activité. « Je tiens d’ailleurs à saluer leur prise de risque ainsi que celle du cabinet d’architecte AIA à Nantes. Ils m’ont tous les deux suivi lorsque je leur ai proposé d’utiliser la peinture destinée à recouvrir les 157 chambres », note d’abord Jean-Christophe Thézé, à la tête de J. Thézé Peinture à La Mézière (35).

L’objet du délice ? Une innovation 100 % bretonne, 98 % naturelle et surtout produite à base de déchets locaux d’algues jusqu’ici inexploités, baptisée Algo.

Seulement 1 g/litre de COV

Une réponse locavore et biosourcée qui a rencontré l’adhésion de la maîtrise d’ouvrage et des architectes. Et pour cause. L’institut Cap Horn a été conçu pour recevoir un public à la santé fragile : des personnes âgées qui présentent plusieurs pathologies, dépendantes ou à haut risque de dépendance. Dans ce contexte sensible, cette peinture aux algues naturelles et écologique présentait toutes les qualités requises. « Totalement exempte de matières issues de la pétrochimie, elle affiche une très faible teneur en COV (composés volatils organiques) de seulement 1 g/litre », reprend Jean-Christophe Thézé.

Un exploit quand la norme Ecolabel demande un maximum de… 30 g/litre. CQFD : « étiquetée A+, elle ne dégrade pas la qualité de l’air intérieur (QAI) », continue le patron de l’entreprise de peinture Rennaise. Un atout dans cet établissement de santé, « mais aussi pour mes compagnons. Elle leur apporte un réel confort de travail car elle n’a pas d’odeur ». Et cerise sur l’algue : « elle ne change absolument rien aux habitudes d’application, ni de nettoyage. Son fabricant a fait le nécessaire pour l’adapter au monde du bâtiment », explique le dirigeant.

Ainsi, cette peinture aux algues décline les mêmes finitions qu’une peinture classique, se met elle aussi à la teinte avec une machine à teinter, et arbore les mêmes labels de qualité, à l’instar de l’Écolabel Européen. Pour habiller les murs des chambres de l’institut Cap Horn, « elle a recouvert un revêtement spécial rénovation d’aspect lisse qui a été choisi dans ce cas pour des supports neufs, afin d’amortir les éventuels chocs », précise Jean-Christophe Thézé. Outre sa dimension biosourcée, et sans impact sur la qualité de l’air intérieur, « cette peinture aux algues affiche un meilleur rendement que des peintures acryliques (12 m2 par litre). Si ce souci de rentabilité est moins important pour des petits projets, il peut compenser son petit écart de prix par rapport à une solution traditionnelle sur des chantiers plus conséquents ».

Les plafonds ont été traités en Algo Mat, les murs des chambres et pièces annexes en Algo velours, une peinture 100% bretonne et 98% naturelle à base de déchets locaux d’algues.

Près de 25 % des chantiers en biosourcé

Du coup, chez J. Thézé Peinture, on concède être devenu adepte de cette peinture biosourcée qui fait également valoir une Analyse du cycle de vie du produit (ACV) au travers d’une fiche de déclaration environnementale et sanitaire (FDES). « C’est une production locale, et dans le cadre de l’institut Cap Horn, pour un chantier local. L’impact carbone est extrêmement faible », ajoute le peintre qui accompagne ce fabricant depuis six ans.

« Quand il a développé cette peinture à base d’algues, nous avons immédiatement été à ses côtés, confie dans un sourire Jean-Christophe Thézé. Nous avons réalisé plusieurs essais en vue de son amélioration. Je crois beaucoup en ce produit qui a su évoluer afin de répondre aux attentes de nos marchés. »

Extrêmement apprécié par les particuliers, « et même de plus en plus, nous l’appliquons également dans le cadre de chantiers de rénovation que nous traitons pour le compte de l’enseigne de magasins bio Biocoop. Notre but : continuer à proposer cette peinture naturelle, sans solvant, ni odeur, dans le domaine de la santé, et lors de rénovation de bureaux occupés ».

Et même si ce produit aux vertus circulaires rime avec valeur ajoutée, « le plus cher dans le métier de la peinture reste la main d’œuvre. Par conséquent, elle ne fait pas non plus exploser les prix. De plus, les clients qui font appel à ces produits sont déjà convaincus. Ils ont initialement une réelle de volonté de commander des produits biosourcés.

Cette démarche va dans le bon sens, et s’inscrit dans l’évolution de la peinture de manière générale qui pourrait basculer d’ici 10 ans vers une représentation majoritaire du biosourcé ». L’acrylique n’a-t-elle pas fini par supplanter les solvantées ? En attendant, J. Thézé Peinture récolte les algues de son engagement puisque l’entreprise réalise déjà près de 25 % de ses chantiers avec des produits biosourcés. « Même si forcément, les 157 chambres l’institut Cap Horn ont fait augmenter cette part cette année », conclut le dirigeant à la fibre verte.

Le chantier en bref

  • LIEU : Institut du Cap Horn à Landerneau
  • SURFACE : 11 000 m2
  • COÛT DE L’OPÉRATION : 25 millions d’euros
  • MAÎTRE D’OUVRAGE : LNA Santé à Vertou (44)
  • ARCHITECTE : AIA associés à Nantes (44)
  • ENTREPRISE DE PEINTURE : J. Thézé Peinture à La Mézière (35)
  • PRODUITS UTILISÉS : murs et plafonds chambres et pièces annexes : Algo Paint ; autres murs : Seigneurie

Source : Reflets et Nuances, n° 180 Juillet 2019 p. 43-44

Pour aller plus loin, lisez l’article
« Peintures biosourcées : le nouveau vert de la guerre
(Reflets et Nuances, Juillet 2019, n° 180, p. 38-41)

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