Ces grands couturiers de la peinture

Ils créent, décorent, restaurent ou redonnent vie à notre patrimoine. Gardiens d’un savoir-faire et même parfois résistants aux évolutions normatives, ces deux peintres en décor — l’Atelier Eschlimann et l’Atelier Camuset — nous ouvrent les portes de leur métier.

De Erstein dans le Bas-Rhin au VIIe arrondissement de la capitale, elles ont l’amour de la restauration, du décor et un savoir-faire ancestral chevillé au pinceau. La preuve : ces deux entreprises, l’Atelier Eschlimann et l’Atelier Camuset , sont labellisées Entreprise du Patrimoine Vivant. Elles sont aussi toutes les deux porteuses d’une transmission familiale. « J’ai repris l’entreprise de mon père qui l’avait lui-même héritée de mon grand-père. Dès l’âge de 12 ans, je passais toutes mes vacances sur les chantiers. Franchement ? J’aurais préféré être en congés comme tous les enfants de mo, âge. Mais au final, mes parents m’ont appris le goût du travail », concède Christophe Eschlimann. D’abord destinée à la mode, Clotilde Camuset finit par contracter le virus de la peinture décorative et rejoint son père qui a créé l’Atelier il y a près de 35 ans après des études à l’Institut supérieur de peinture décorative Van Der Kelen Logelain de Bruxelles.

« Nous sommes dans une sorte de niche et nous travaillons dans des bâtiments d’exception ». En effet, les deux ateliers partagent un portfolio de références de prestiges : de l’Assemblée Nationale, en passant par les salles égyptiennes du Musée du Louvre à Paris, les salles monumentales du Casino de Monaco, la restauration des décors de la Cathédrale de Beauvais ou de Notre-Dame de Chartres. Parmi tand d’autres. L’atelier Camuset comme l’Atelier Eschlimann perpétuent tous deux des gestes séculaires et un savoir-faire de tradition. Mais pas toujours sans contraintes.

 

Peinture à l’huile et brosse à badigeon

 

« Nous sommes partenaires des décorateurs et avec eux, nous créons et leurs apportons un savoir-faire. Un des avantages de ce métier est que nous sommes « touche à tout ». Nous ne réalisons pas deux fois le même chantier et nous sommes amenés à développer nos métiers en permanence, à faire évoluer dans les tendants du moment des traditions anciennes comme les enduits décoratifs », reprend Clotilde Camuset. Pour ce métier de peinture en décor, les deux spécialistes s’accordent à le dire : il faut avoir le coup de main. « Une bonne préparation des fonds est primordiale pour avoir un bon décor. En plus du dessin, il faut maîtriser toutes les techniques et avoir le sens de la couleur. Un peinture en décor crée ses mélanges, ses peintures », ajoute Clotilde Camuset. Entre l’alchimiste et l’apothicaire, il continue d’utiliser des produits traditionnels pour des chantiers de tradition. « Par exemple, nous travaillons la feuille d’or. elle demande à être patinée afin que son rendu final reflète l’esprit ancien », précise Christophe Eschlimann.

« Nous utilisons également de la peinture à l’huile sur les boiseries. Il faut savoir la tirer afin qu’elle ne crée par un aspect peau d’orange. Cette technique se perd et un non initié aura tendance à la diluer ». Il faut aussi composer avec des normes er des règlementations toujours plus draconiennes. « Pour  un chantier, je vais devoir acheter une armoire de sécurité juste pour stocker un litre d’essence de térébenthine et trois litres d’huiles de lin », illustre Christophe Eschlimann.

En outre, évolution des peintures oblige, certains outils tendent à disparaître. « Je ne trouve plus de brosse à badigeon, regrette Christophe Eschlimann. Une vraie brosse doit être montée main comme un pinceau. Or en France, il n’y a qu’un seul fabriquant qui en propose encore ». Et comme pour de nombreux chantiers, « nous devons composer avec des délais qui sont parfois de vrais défis, confie Clotilde Camuset. Parfois en atelier, nous menons des recherches de matières et de créations, qui vont être longues et laborieuses, parfois sans retombée. » Mais face à tous ces aléas, l’un comme l’autre ne retiennent qu’une chose : un plaisir sans cesse renouvelé sur des chantiers et des recherches à chaque fois uniques.

 

Des projets tant techniques que créatifs

« Notre métier est épanouissant », ajoute Clotilde Camuset. « Comparé au milieu de la mode que j’ai connu auparavant, il existe une véritable mixité sociale et des relations humaines fortes. Nous sommes aussi en quelque sorte dans la haute couture de la décoration face à des projets qui sont tout autant techniques que créatifs et particulièrement valorisants ». À l’instar de la rénovation du très sélect Hostellerie de Plaisance à Saint-Émilion (33) réalisée avec le cabinet Alberto Pinto. « Nous avons été très fiers de travailler pour eux et de participer à la renaissance de ce lieu. Nous avons notamment exécuté des enduits décoratifs surdimensionnés, exceptionnels et uniques ! ».

L’enthousiasme est le même pour Christophe Eschlimann quand il évoque la restauration du théâtre du château de Fontainebleau (77). Inauguré en 1857 par Napoléon III, il n’avait servi que huit fois puis laissé à l’abadon en 1868 avant de rouvrir ses portes… en 2014. « Très peu utilisé donc très peu modifié, nous avons eu un réel plaisir à le restaurer ainsi qu’à travailler avec l’architecte en chef des Monuments Historiques Patrick Ponsot, comme avec de nombreux autres maîtres d’œuvre de grande qualité. » Alors à la question de savoir quelle réalisation a été la plus marquante, les deux spécialistes répondent : « toutes ! ». Et on veut bien les croire.

 

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